N’oublions pas les moines de Tibhirine en Algérie..!
Assassinat des moines de Tibhirine
Je reprends dans cette note l'affaire des moines Français assassinés à Tibhirine, étant le sujet qui dérange le pouvoir Algérien qui a commandité leur assassinat.
L'Algérie continue de saigner
La sœur Odette assassinée le 10 Novembre 1996, la 11ème depuis Mai 94 parmi les religieux, religieuses, prêtres ! [il y en aura d’autres !] Le 27 janvier 1996, deux mois avant l’enlèvement, elle adressait une lettre à ses amis leur disant : «Continuez de prier avec nous pour que les balles qui ont criblé leur chair soient transformées en graines de vie, de paix, de liberté, de réconciliation, pour le monde et pour l’Algérie en particulier… ! »
Les quelque 300 religieux et religieuses actuellement en Algérie, dont une très grande majorité de Français, ne peuvent évidemment rester indifférents à ce qui est arrivé, depuis maintenant un mois, aux sept moines trappistes de Tibhirine.
Mais ce qui frappe le plus, c'est l'obstination qu'ils mettent à rester dans ce pays qui les a accueillis depuis si longtemps, et auquel ils affirment devoir tant. « Comment voulez-vous que nous envisagions de partir ? Nous avons tant d'amis... », confie le Père Pierre, professeur d'arabe dialectal pour les étrangers et animateur d'un centre culturel à Alger. Revenu en France pour raison de santé, ce Père Blanc n'a qu'une hâte : retourner là-bas où « certes, nous ne sommes pas indispensables sur le plan matériel, mais où nous constituons tout de même un appui moral pour bien des gens ».
Des sympathies tissées au fil des années
Sans doute les cisterciens de Tibhirine apportaient-ils beaucoup de leur savoir-faire ainsi qu'une aide matérielle à la population locale qui avait besoin d'eux. « Mais tel n'est pas le cas pour la plupart d'entre nous. En revanche, l'Eglise a créé, en plus de cent ans, toute une ramification d'amis, de connaissances, ainsi que de gens que nous ne connaissons pas, mais qui témoignent de leur affection. Chaque fois qu'il y a un attentat visant des religieux, ils nous manifestent leur sympathie en nous affirmant qu'ils réprouvent ces actes de terrorisme. »
La violence quotidienne, les prêtres catholiques séculiers, les communautés de Soeurs et de Frères estiment la subir autant que les Algériens eux-mêmes : « Combien de dizaines de milliers de morts parmi eux ! Nous faisons partie du lot, c'est tout. Ils sont heureux qu'une communauté de chrétiens, avec une ramification internationale, soit là, comme témoin », estime le Père Pierre.
Ce petit groupe d'hommes et de femmes de prière témoigne en outre de la fraternité qui peut se vivre entre congrégations. Les Pères Blancs, bien sûr, mais aussi les jésuites, les Petits Frères et Petites Soeurs des Congrégations issues du P. de Foucauld, présentes surtout dans le Sud, quelques dominicains, lazaristes, spiritains et augustins, un franciscain, et ce monastère de Tibhirine, le seul qui restait : tous se connaissent.
Les moniales clarisses, elles, ont quitté le pays : « Elles étaient beaucoup trop exposées », note le Père Pierre. Depuis Nîmes où elles sont rapatriées, un seul commentaire de la Mère Abbesse, à propos de l'Algérie : « Nous sommes acculées au devoir de silence... et de prière. »
Il reste, en outre, trois maisons de Petites Soeurs des pauvres qui ne survivent que grâce à la charité des musulmans. « Il faut voir comment ces Soeurs sont aimées, remerciées pour leur présence », s'émerveille le Père Blanc.
Tenter de préserver le dialogue quotidien
Comment maintenir tous ces liens dans un contexte de quasi-clandestinité ? « Nous, les religieux, nous nous retrouvons une fois ou deux par trimestre. Bien sûr, nous ne disons pas où, et nous ne publions pas les heures de messe. Toutes les informations se transmettent par le bouche à oreille. »
Le dialogue interreligieux peut-il, lui aussi, se poursuivre dans pareilles conditions ? « Ce que nous essayons de privilégier, c'est le dialogue de la vie, celui de tous les jours. Celui de l'amitié vécue, du sourire, du bonjour. S'il n'y avait pas cela, ce ne serait pas la peine de rester. Ou alors, pour témoigner de qui, de quoi ? »
Parfois, un groupe islamo-chrétien se réunit au centre culturel où travaille le Père Pierre, pour échanger sur l'expérience de foi des uns et des autres. Souvent, les débats se terminent par une prière, un moment de silence. Un débat similaire s'était tenu au sein d'un groupe de réflexion identique à la trappe de Tibhirine, la veille de l'enlèvement des Frères, il y a un mois déjà...
L'attentat du 10 novembre 1995
Revenons à Alger. Le 10 novembre 1995, comme tous les vendredis _ jour de prière des musulmans _, Soeur Odette et Soeur Chantal se préparaient à partir à la messe. La veille, elles avaient retrouvé leur petite maison du quartier populaire de Kouba. En semaine, les deux religieuses habitaient désormais dans le centre d'Alger, à proximité de leur lieu de travail. Mgr Tessier, l'archevêque, leur avait demandé d'éviter les trajets quotidiens en bus. Deux religieuses venaient encore d'être assassinées à Belcourt au début de septembre.
Mais que risquaient-elles ? Leur fraternité des Petites Soeurs du Sacré-Coeur (de Charles de Foucauld) était implantée à Kouba depuis 1968. Et même si le quartier est devenu très tôt l'un des bastions du FIS, les religieuses y ont tissé, dans l'esprit de leur famille spirituelle, des relations d'amitié que tant de témoignages ne cessaient de leur confirmer.
Ce vendredi-là, donc, les enfants des voisins jouent dans le jardin. Les Petites Soeurs referment la porte, font quelques pas vers la voiture qui doit les conduire à l'église. Des coups de feu éclatent. Soeur Odette Prévost, 63 ans, est tuée sur le coup. Soeur Chantal Galicher, de dix ans sa cadette, sort miraculeusement vivante de l'attentat. Une balle l'a atteinte au bras, une autre a perforé son visage, au niveau de la pommette pour ressortir par la nuque.
Aujourd'hui à Paris, Soeur Chantal entame une période de rééducation. Mais ses prières vont aux sept moines enlevés à Tibhirine. « Pour les fêtes, on montait souvent à la trappe, se souvient-elle. Quand, le Vendredi saint, on lisait le récit de la passion, il prenait un relief particulier. Dans ce monastère, on sentait une paix, le résultat d'un combat contre la peur. Aujourd'hui, l'Eglise d'Algérie est atteinte au coeur. »
Les Petites Soeurs du Sacré-Coeur préfèrent le silence aux paroles. Mais pour les trappistes, pour tous ceux qui restent, la religieuse accepte de témoigner. « Dans la logique de l'islamisme, tout ce qui n'est pas musulman est impur. Pour nous, il était important de rester pour mettre en échec cette logique de haine. Nos voisins et nos amis nous demandaient de rester. »
Les Petites Soeurs parties, est-ce l'intégrisme qui a gagné ? Ce témoignage vaut-il encore le prix de la vie de religieux ? « Il nous appartient de faire ce qui est en notre pouvoir, dit simplement Soeur Chantal. Le reste appartient à Dieu. »
Lorsque la supérieure générale de sa Congrégation s'est rendue à Alger pour l'enterrement de Soeur Odette, elle a vu son corps, dans le cercueil, recouvert de pétales de roses. Un geste anonyme d'Algériens, un hommage, un message. Si elle le peut, Soeur Chantal retournera en Algérie. « J'aime ce que disent les musulmans : Dieu est plus grand. Il est plus grand que les images fausses que l'on se fait de lui. Plus grand que notre coeur cloisonné.
L'assassinat des moines de Tibhirine fait référence à la mort, en 1996, lors de la guerre civile algérienne, de sept moines trappistes du monastère de Tibhirine, en Algérie. Les sept moines sont enlevés dans la nuit du au et séquestrés durant plusieurs semaines. Leur assassinat est annoncé le dans un communiqué attribué au GIA (Groupe islamique armé). Les têtes des moines ne sont retrouvées que le , 4 km au nord-ouest de Médéa.
Étrangement, les autorités algériennes vont chercher à cacher le fait que les corps aient disparu. Pour faire illusion, elles vont jusqu'à lester les cercueils des moines avec du sable. Seule l'obstination du secrétaire général adjoint des trappistes, le père Armand Veilleux, à identifier les corps lui permettra de découvrir leur absence des cercueils. Une anecdote qui alimentera les doutes sur la thèse officielle du « crime islamiste » pour expliquer leur décès.
En raison de l'absence d'enquête judiciaire algérienne, les commanditaires de l'enlèvement des moines, leurs motivations ainsi que les causes réelles de l'assassinat sont encore mal connus à ce jour. La version officielle d'Alger qui a longtemps prévalu est celle d'une culpabilité du Groupe islamique armé de Djamel Zitouni.
Mais en 1997, d'anciens officiers des services algériens révèlent qu'entre 1994 et 1996, le fameux Djamel Zitouni était secrètement manipulé par ses chefs, les généraux Toufik Medieneet Smain Lamari, respectivement numéro 1 et 2 du département du Renseignement et de la Sécurité (DRS, ex « sécurité militaire »). Une seconde thèse reposant sur un témoignage algérien indirect transmis en 1996 au général François Buchwalter, alors attaché de Défense à l'ambassade de France à Alger (révélé à la justice en 2009) évoque une bavure de l'armée algérienne, dissimulée ensuite par celle-ci. Mais à partir de 2002, de nouveaux agents du DRS ou des islamistes du GIA confirment à Canal+, puis à Libération, qu'en 1996, les moines de Tibhirine ont été enlevés sur ordre d'Alger. Ces témoignages sont rassemblés en 2011 dans le livre Le Crime de Tibhirine. Révélations sur les responsables de Jean-Baptiste Rivoire et dans le documentaire Le Crime de Tibhirine1 (diffusé le dans l'émission Spécial investigation de Canal+).
Ces anciens militaires algériens expliquent qu'en soignant les maquisards islamistes, les moines exaspéraient les patrons du DRS précisément chargés d'éradiquer les insurgés. Les autorités auraient exigé à plusieurs reprises que les moines quittent Tibhirine, sans succès. En 1996, le général Smain Lamari, alors patron de la Direction du contre-espionnage, aurait fini par se résoudre à faire enlever les moines sous couvert d'une « opération islamiste de Djamel Zitouni ».
Selon ces anciens agents secrets algériens, l'opération aurait visé un triple objectif :
- Contraindre les moines, qui soignaient les insurgés, à quitter la région ;
- Discréditer les islamistes ;
- Obtenir la reconnaissance de la France en faisant libérer les otages par l'armée.
Selon ces nouveaux témoins, les moines ne devaient pas être tués, mais des soupçons grandissants sur le DRS auraient finalement incité ses patrons à faire éliminer secrètement les moines fin , et non pas fin , comme on l'avait longtemps cru